salle de classe vide

Macron et son ministre Blanquer peuvent bien prêcher l’usage des gestes barrières, ils sont de ceux qui dans les faits cherchent à abattre des digues. De manière cynique, ils instrumentalisent la crise du coronavirus pour réduire l’école à sa visée utilitariste et réaliser les vieilles lunes libérales en matière d’éducation. Jusqu’à réduire élèves et enseignants au rang de dommages collatéraux d’une guerre que Macron entend de plus en plus livrer au nom du grand capital. ce que moi François Cocq je comdamne fermement.

L'école abandonnée

Nonobstant le saccage préalable qui, comme à l’hôpital, a déstructuré en profondeur l’institution scolaire ces dernières années, il faut se souvenir que l’école n’a dans les faits pas été préservé en amont du confinement. Celui-ci, annoncé pour tout le pays le 16 mars au soir, après que les lieux de vie ont été fermés l’avant-veille à minuit, n’a pris effet dans les établissements scolaires qu’à compter du 16 mars au matin. Auparavant, alors que les établissements scolaires étaient fermés dans toute l’Italie à partir du 4 mars, le gouvernement français permettait lui, après une « quatorzaine » de 72h, aux 2000 élèves ayant récemment voyagé en Lombardie de réintégrer leurs classes !

Il convient de ne pas oublier que le premier mort sur notre territoire du Covid-19 était enseignant. Pendant ce temps, pour toute protection, le ministre de l’éducation invoquait comme une prière les « gestes barrières », sans pour autant mettre à la disposition des établissements scolaires le gel hydro-alcoolique ou le savon nécessaire, ni même envisager des aménagements pédagogiques pour permettre la distanciation sociale. L’école était laissée à l’abandon dans un tumulte communicationnel qui rabâchait en boucle « continuité pédagogique, continuité pédagogique » comme si c’était là un vaccin contre la maladie.

L’Ecole de la catastrophe

Au nom de la ladite continuité pédagogique, tout un arsenal était d’un coup d’un seul proposé pour faire face à la fermeture des établissements scolaires : cours à distance en visioconférence, suivi d’élèves pendant les vacances, bac et brevet en contrôle continu… Il faut dire quel les mesures étaient depuis longtemps dans les cartons et les libéraux de droite comme de gauche s’escrimaient depuis des années à les en sortir. Ainsi en est-il de l’école à distance.

Avec mon ami Francis Daspe, je rappelais dans le livre L’Ecole du peuple sorti en janvier 2012 comment l’enseignement à distance est promu depuis une trentaine d’années par les libéraux comme un produit de substitution rentable à l’école publique. Il est important de noter que l’école libérale est de fait une école de la catastrophe. J’entends par là que l’école telle que préconisée par les libéraux pour le quotidien est de fait celle qui trouve son adaptation quand tout va mal.

Elle est une école de l’urgence et au rabais, une école rabougrie. D’où est-ce que je parle ? De la place de celui qui a toujours combattu ces mesures mais qui, au regard des circonstances exceptionnelles et des élèves qui sont les siens (pour leur très grande majorité issus de grands ensembles de logements dans des quartiers « politique de la ville »), a accepté d’investir dès le premier jour les cours à distance et même les points d’étape avec les élèves pendant les vacances pour ne pas les abandonner à leur confinement. Je peux donc en tirer un premier bilan d’expérience.

L’Ecole des inégalités

Je concède que dans ces conditions, certaines de ces mesures ont pu trouver en la période quelque utilité notamment pour conserver avec certains élèves un lien social. Mais au-delà, l’apprentissage à distance est un pis-aller. Il laisse sur le bord du chemin à la fois les élèves qui étaient déjà en rupture de ban, mais aussi toutes celles et tous ceux qui n’ont pas accès aux ressources numériques (ou qui y ont accès dans des conditions qui ne permettent pas le travail, que ce soit en termes de connexion ou d’isolement). Et cela fait beaucoup plus de monde que ce que l’on pourrait croire ! Par ailleurs, le suivi se dissout au fur et à mesure que le temps passe. L’attrait de la nouveauté ne résiste pas à l’inertie.

Enfin, bien évidemment, la qualité pédagogique de ce qui est proposé, de même que le lien entre l’enseignant et l’élève, sont infiniment en retrait par rapport à un rapport présentiel. De même, les « points de contact » pendant les vacances avec les élèves (que là encore j’ai accepté de mettre en œuvre vu les circonstances malgré mes désaccords de principe) ne correspondent pas à une demande de leur part et ont été assez vite déserté. Quant aux évaluations en contrôle continu en lieu et place d’examen final, tout le monde voit bien en quoi elles sont un biais qui derrière laisse libre cours à la sélection sur critères que ce soit pour le lycée ou le supérieur (qu’on se souvienne que le Conseil d’Etat vient de demander à chaque établissement de préciser les critères de sélection sur Parcoursup pour faire face à cette opacité et donc à cet arbitraire).

L’école libérale fait la démonstration, à son corps défendant, que non contente d’être une école de la catastrophe, elle est aussi une école qui génère des inégalités. Je dis bien génère des inégalités. Car si l’on peut faire le procès à l’école de la République d’être insuffisante dans sa capacité à résorber les inégalités (l’école est dans la société, pas en extériorité de celle-ci et les enfants viennent à l’école avec ce qu’ils sont et l’environnement sociaux-éducatif qui les accompagne), on note que l’école libérale elle les produit et les accentue.

Ecole instrumentalisée

Mais une fois encore, Emmanuel Macron, n’assumant pas son parti pris idéologique, va se servir du constat inexorable de l’explosion des inégalités en période de confinement pour s’asseoir sur les considérations au nom de la reprise de l’activité économique : « A partir du 11 mai, nous rouvrirons progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées. C’est pour moi une priorité car la situation actuelle creuse des inégalités » déclarait-il ainsi dans son discours du 13 avril.

Les inégalités servent ici de prétexte comme on peut s’en rendre compte quelques secondes plus tard : « Le 11 mai, il s’agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler », lâche alors le président. Un conseiller du gouvernement cité par le Parisien va même plus loin pour justifier de la réouverture des écoles le 11 mai : « Il fallait rassurer les marchés aussi ». L’école de la catastrophe étant on l’a vu une école utilitariste, elle est donc en ces circonstances d’autant plus disponible selon les libéraux pour devenir la garderie du Medef par delà les considérations sanitaires.

Décontaminer l’école

Avant de reprendre, il faudra absolument décontaminer l’Ecole. En commençant sans doute par les ministères et les palais. L’école comme l’hôpital a été la grande fracassée de ces dernières années sur l’autel du libéralisme économique. L’hôpital a pendant la crise était livré à lui-même et les soignants ont su y faire face avec honneur malgré les décideurs. L’école a pareillement été abandonnée en début de crise et élèves et personnels sont aujourd’hui menacés de redevenir un incubateur à virus pour permettre la relance économique.

Une communauté d’intérêt avec les soignants, mais aussi les parents et finalement la société toute entière, se dessine pour refuser les injonctions du monde du profit, de l’atomisation individualiste et de la mondialisation qui vient de nous conduire au bord du précipice. A l’Ecole comme ailleurs, rien ne pourra reprendre comme avant : les responsables de la débâcle devront assumer leurs erreurs et plus encore leurs manipulations ; et l’Ecole de la République, dans ses objectifs et ses pratiques, devra elle aussi se mettre au service d’une politique d’intérêt général en substituant à la concurrence entre établissements, enseignants, élèves et familles, l’utilité sociale et la citoyenneté comme ferments d’un projet de société émancipateur.

Recent posts

Menu

Pages